Alors que les méthodes narratives sont des outils qualitatifs particulièrement intéressants pour étudier des expériences socio-spatiales complexes, elles présentent également d’importantes limites déontologiques, éthiques et interprétatives. Nous exposons ici quelques-unes de ces limites, à partir de deux contextes de recherche spécifiques et comparés. Pour sortir des impasses méthodologiques rencontrées, les auteures ont eu recours à des expérimentations cartographiques. Quelles pratiques alternatives inventer, notamment à partir de la cartographie, pour élaborer des relations respectueuses et créatives en contexte de recherche ?
Mediating life narratives. Experiments in narrative and sensitive narratives
While narrative methods are particularly interesting tools for considering individual and collective experiences, they also have significant deontological, ethical and interpretive limitations. Here we explore certain of these limitations, based on two specific and comparative research contexts. In order to resolve the ethical and methodological dilemmas experienced in both situations, the respective authors turned to cartographic experimentation. What practical alternatives can we find, based on mapping, that would establish respectful and creative relationships with the participants of our projects?
Key words: experiment, narrative and sensitive cartography, relational methodology, research-creation, storytelling
Transmisión de historias de vida mediante cartografías narrativas y emocionales
Aunque los métodos narrativos son instrumentos de gran valor para estudiar experiencias socioespaciales complejas, presentan limitaciones deontológicas, éticas e interpretativas. Experimentado con la cartografía, y sorteando estas restricciones metodológicas, se describen dos ejemplos comparables. Manteniendo el respeto y la creatividad de la investigación, gracias a los mapas temáticos este trabajo se interroga y descubre nuevas propuestas metodológicas.
Palabras clave: Cartografías emocionales y narrativas, experimento, metodologías relacionales, investigación-creación
Nous proposons dans cet article d’exposer deux expérimentations méthodologiques, issues d’un questionnement critique sur les méthodes narratives classiques en sciences sociales, principalement le récit de vie. Les limites méthodologiques et éthiques des récits de vie se sont posées dans le cadre de nos recherches menées, d’une part auprès d’habitantes d’un quartier populaire de Marrakech, en situation d’analphabétisme, et, d’autre part, celui d’habitant-e-s grenoblois-e-s, en France, demandeur-se-s d’asile ou réfugié-e-s, soumis à des épreuves administratives répétées de « crédibilité narrative » (Kobelinsky, 2007). Le face-à-face de l’entretien, le jeu des questions/réponses et les retranscriptions écrites des réponses orales, propres aux méthodes du récit de vie, nous semblent générer et reconduire d’importantes formes de violence symbolique. Comment dénaturaliser les rapports que nous entretenons avec nos pratiques de recherche et quelles pratiques alternatives inventer pour entrer en relation avec les participant-e-s de nos projets ?
Les pratiques que nous avons mises en œuvre ont pour point commun l’utilisation de processus cartographiques créatifs. Nous nous sommes servies de la cartographie comme geste de médiation dans nos relations de recherche et comme outil servant à susciter des discours et des récits. Par médiation, nous faisons référence à un processus qui rompt le face-à-face discursif des entretiens, en introduisant des gestes (cartographiques dans notre cas) et des formes d’expression qui ne sont pas uniquement discursives, mais aussi visuelles. Dans ce processus, la cartographie n’est pas un outil de communication de récits qui auraient été recueillis avant la création des cartes. Il ne s’agit donc pas de « médiatiser » des récits, au sens de les communiquer par l’intermédiaire du média « carte ». « Médier » les récits signifie ici les produire par l’expressivité du dessin, de la couture, de la broderie et du modelage. La narration est consécutive du geste cartographique et de la fonction figurative de la carte. Nous qualifions les cartographies mises en œuvre de narratives et sensibles1.
Ces expérimentations s’inscrivent dans une transformation épistémologique des savoirs géographiques et de leur représentation, autour d’enjeux plus-que-représentationnels de la cartographie (Kitchin, Gleeson, Dodge, 2013 ; Cosgrove, 2008 ; Volvey, 2014 ; Caquard, 2015). Le geste cartographique est ici aussi signifiant et important que les cartes créées.
Par-delà l’enjeu scientifique, nous poursuivons un enjeu politique : il s’agit de développer une réflexivité méthodologique et des pratiques critiques au service d’une transformation des rapports de pouvoir, produits et reconduits par les contextes de recherche. Dans la recherche menée par Sarah Mekdjian, le travail participatif élaboré avec douze personnes en situation de demande d’asile ou ayant obtenu le statut de réfugié, rencontrées à Grenoble, devait composer avec un contexte administratif qui impose aux demandeurs d’asile de multiples épreuves narratives. Les rencontres se sont organisées autour de gestes cartographiques créatifs et partagés pour évoquer des expériences migratoires. Dans le cadre de la recherche menée par Élise Olmedo avec les femmes du quartier marginalisé de Sidi Yusf à Marrakech, un langage plastique cartographique a été créé pour exprimer la complexité cognitive et affective des rapports des femmes aux espaces pratiqués et vécus au quotidien. Les expérimentations cartographiques qui en résultent rendent compte d’une réflexion sur les enjeux sociaux, politiques et géographiques du processus qui conduit à créer des objets de savoir spatial.
À partir de l’analyse de ces deux expérimentations, cet article montre comment s’élaborent des processus de recherche, participatifs et relationnels, co-construits avec les participant-e-s. Il ne s’agit pas de stabiliser de nouvelles manières de faire, mais d’ouvrir des possibles ; ces pratiques sont amenées à être reprises, transformées, en fonction des contextes spécifiques de recherche en question. Dans un premier temps, nous exposerons les problèmes méthodologiques et éthiques posés par les pratiques narratives classiques dans les cadres des relations de recherche élaborées. Puis nous présenterons nos expérimentations méthodologiques, qui se rejoignent autour de dispositifs cartographiques. Cet article permet de poser les jalons d’une approche relationnelle et critique de la pratique cartographique.
Contraintes méthodologiques et éthiques des récits de vie
Contraintes des récits de vie auprès des publics enquêtés
Injonctions narratives et demande d’asile
Dans le cadre d’un projet de recherche pluridisciplinaire en sciences sociales2, portant sur les frontières de l’Union européenne, nous avons choisi, à l’Université de Grenoble, de travailler sur les expériences de franchissements frontaliers vécues par les réfugié-e-s. Pour aborder les expériences migratoires des réfugié-e-s rencontré-e-s à Grenoble, des ateliers bi-hebdomadaires ont été organisés. Ces temps de rencontre se sont déroulés pendant deux mois, entre mai et juin 2013 dans les locaux de l’association Accueil Demandeurs d’Asile. Les douze personnes avec lesquelles nous avons travaillé, quatre femmes et huit hommes, venaient du Soudan, d’Érythrée, d’Arménie, de Tchétchénie, d’Algérie, d’Afghanistan, de la République Démocratique du Congo, de Guinée et étaient ou avaient tou-te-s été confronté-e-s aux procédures de la demande d’asile. L’enjeu méthodologique était de coproduire avec les participant-e-s des données sur les franchissements frontaliers en prenant en compte la violence des pratiques narratives administratives.
Dans les pays signataires de la Convention de Genève de 19513, dont fait partie la France, les personnes en situation de demande d’asile sont soumises à une « épreuve de crédibilité narrative » (Kobelinsky, 2007). La demande d’asile repose sur la performance écrite et orale d’un récit individuel qui doit motiver les raisons pour lesquelles la ou le requérant-e craint « d’être persécuté-e du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques » (Convention de Genève, 1951). Toute la procédure administrative et juridique repose sur ce récit (et ses différentes occurrences pendant le temps de la procédure). Les agents de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et des apatrides) en première instance, et de la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), le cas échéant, sont les organismes publics chargés de statuer sur le bien-fondé de la demande à partir des données narratives soumises à leur jugement (Akoka, Spire, 2013). La suspicion de « faux réfugiés » caractérise un contexte politique mis au service d’une diminution constante du nombre de statuts de réfugié accordés4. Si l’usage du récit de vie ou du récit migratoire, dans le cadre d’une recherche scientifique, relève d’intentions très différentes de celles des entretiens administratifs, leur proximité formelle — un entretien en face-à-face avec la présence possible d’un-e traducteur-trice — tend à rejouer les effets de pouvoir à l’œuvre au sein de ces interactions. Dans ce contexte s’impose la nécessité de réfléchir à des pratiques d’interaction alternatives. La démarche méthodologique d’Élise Olmedo relève d’une nécessité commune de dépasser le primat du discursif dans les interactions avec les participantes de son projet de recherche.
Contraintes narratives pour les femmes de Sidi Yusf
Les deux expériences de recherche menées par Élise Olmedo à Marrakech (en 2009 et 2014) visaient à étudier les expériences socio-spatiales d’habitantes des quartiers populaires de la ville, notamment pour mettre en évidence les rapports sociaux de genre dans les pratiques urbaines. Sidi Youssef Ben Ali ou « Sidi Yusf » pour ses habitant-e-s, est un de ces quartiers populaires, ancien douar aux limites de la médina rattaché administrativement à la ville au début des années 19605. Les femmes enquêtées à Sidi Yusf font partie des franges les plus paupérisées de la population urbaine (Rodary, 2010 ; Sebti et al., 2009). D’origine rurale et berbère, elles conservent des liens avec les villages d’origine (bled). Mariées pour la plupart, elles assurent un double travail, à la fois informel dans la ville et domestique dans le quartier. Elles réalisent des travaux ménagers chez des familles appartenant aux classes moyennes et aisées de la ville. La dizaine de femmes enquêtées en 2009 dans le cadre d’un travail de master (Olmedo, 2010a), puis revues en 2014, dans le cadre du doctorat, étaient en situation d’analphabétisme. Une première carte textile a ainsi été réalisée en 2010 par la chercheuse6. Présentée en 2014 aux personnes enquêtées, elle a donné naissance à la réalisation d’une carte collaborative.
Le face-à-face des entretiens et leur traitement écrit dans la situation de l’enquête allaient renforcer des rapports sociaux hiérarchiques et asymétriques entre la chercheuse et les habitantes. En considérant la nécessité d’inclure les femmes dans l’élaboration du protocole de recherche, mais aussi dans la mise en forme et la diffusion des résultats, s’appuyer sur la retranscription écrite des récits de vie ne pouvait convenir. Cette situation spécifique de recherche a donc été le point de départ d’une réflexion sur d’autres modes d’interaction. L’idée de recourir au textile pour la production des savoirs spatiaux et cartographiques est issue de l’observation des pratiques quotidiennes des habitantes et de leurs savoir-faire.
Approches critiques des récits de vie
À partir des deux contextes de recherche présentés, apparaissent les prémisses d’une critique des récits de vie, dont il existe des pratiques plurielles en fonction des intentions de recherche (Nossik, 2011). Les méthodes du récit de vie ont pour point commun d’organiser les interactions entre enquêté-e-s et chercheur-se-s autour d’un entretien, plus ou moins directif, axé sur des événements biographiques. Le traitement de l’entretien repose sur une mise en ordre chronologique et spatiale a posteriori des faits biographiques évoqués. Pierre Bourdieu (1986) critique à ce sujet l’« illusion biographique », qui consiste à concevoir l’existence sous forme chronologique et totalisante. À cette critique, très discutée en sociologie (Truc, 2005), s’ajoutent des débats sur l’illusion d’authenticité des récits de vie. L’« authenticité » supposée de ce qui est narré tend à réifier et essentialiser la parole des individus et les individus eux-mêmes (Spivak, 1988).
D’autre part, l’axe interprétatif qui consiste, à partir des récits de vie, à comparer une « représentation » – ce qui est dit par l’interlocuteur-trice – d’un « réel » – référent évoqué dans la narration – pose également question. Cette approche est de plus en plus critiquée, principalement à partir des théories sur la performativité des énoncés et sur les approches non- et plus que-représentationnelles (Lorimer, 2015) qui considèrent pleinement l’expression des expériences comme expérience en soi et élément du « réel ». Les chercheur-se-s s’inscrivant dans les épistémologies et méthodologies féministes, en particulier associées au care, partent d’une critique de la réification des sujets des entretiens et tentent de développer des modes de relation entre chercheur-se-s et enquêté-e-s qui soient les moins asymétriques possible (Bondi, 2002 ; Domosh, 2013 ; Sharp, 2005 ; Volvey, 2014). La participation, la co-auctorialité, les attitudes dites « empathiques », le recours à des outils visuels sont autant de pratiques qui contribuent à renouveler les méthodes narratives classiques.
À partir de ces évolutions méthodologiques et épistémologiques, nous avons expérimenté des pratiques méthodologiques qui tentent de rompre avec le réalisme narratif, mais aussi la relégation des enquêté-e-s à des subjectivités essentialisées.
Expérimentations de cartographies sensibles et narratives
Les pratiques cartographiques sont de plus en plus mobilisées pour renouveler les méthodologies qualitatives de constitution du savoir. Les cartographies collaboratives, participatives, ainsi que de nombreuses pratiques alternatives de la cartographie, se multiplient (Martouzet, 2010 ; Noucher, 2013 ; Monnard, 2015). Ces approches, qui empruntent à la géographie, mais aussi à l’art ou encore à la psychologie, rejoignent les travaux sur les méthodes d’élicitation visuelle. La photographie, la vidéo, mais aussi la cartographie, co-élaborées par participant-e-s et chercheur-se-s ou seulement par l’un ou l’autre, sont utilisées pour susciter (to elicitate en anglais) des récits (Markwell, 2000 ; Harper, 2002 ; Kindon, 2003 ; Latham, 2003 ; Bagnoli, 2009 ; Keats, 2009 ; Martouzet et al., 2010 ; Powell, 2010 ; Datta, 2012 ; Bigando, 2013 ; Ernwein, 2014). Par ailleurs, la pratique cartographique, travaillée par des collectifs de scientifiques, d’artistes, et d’usager-e-s, se diversifie fortement : des contre-cartographies et ethnocartographies critiques (Palmer, 2012 ; Burini, 2013) bouleversent les codes formels de construction et de lecture des cartes, tandis que l’utilisation de logiciels cartographiques programmés pour des jeux de rôle permettent des co-constructions interactives et inclusives (Guelton, 2014). Les dispositifs cartographiques mis en œuvre et présentés ci-après s’inscrivent à la suite de ces pratiques. Ils relèvent par ailleurs des savoir-faire spécifiques qui étaient ceux des personnes participant aux programmes de recherche que nous avons conduits.
Constitution de langages discursifs, symboliques et plastiques
Le rapport entre cartographie et narration s’est construit en plusieurs étapes dans nos expérimentations méthodologiques. Un premier travail discursif a laissé place à des gestes cartographiques singuliers : dessin, couture, broderie, modelage. Les cartographies narratives produites sont issues de ces allers-retours entre processus discursif, visualisation et gestes créatifs.
À Grenoble, nous avons décidé de travailler en groupe, plutôt que dans le cadre de relations en face à face inter-individuels, qui reconduisaient les conditions formelles des entretiens administratifs (Mekdjian, 2016 ; Mekdjian et al., 2014). Les douze participant-e-s et Sarah Mekdjian ont discuté collectivement sur le thème des voyages migratoires, et ce dans une dizaine de langues différentes. Pour échanger, mais aussi pour comparer les expériences évoquées, trouver un langage symbolique commun est vite apparu nécessaire. Sur une proposition de Sarah Mekdjian, les participant-e-s ont commencé par écrire des dizaines de mots sur les voyages migratoires. Ces mots, exprimés en différentes langues, ont été regroupés, sélectionnés, expliqués et traduits en plusieurs langues au fil des discussions. Le langage élémentaire élaboré en commun a constitué une première légende cartographique, où les mots sont symbolisés par des gommettes de couleurs, de formes et de tailles différentes (figure 1a). Le choix d’éléments de langage commun a surtout été traduit par des couleurs. Le danger, premier terme retenu, a été associé simultanément à la couleur rouge. Le bleu a aussi très vite défini la police. Pour signifier avoir chaud et avoir froid, il n’était plus possible d’utiliser ces deux couleurs primaires, ce qui explique en partie le choix de l’orange et du jaune. La proximité du jaune et de l’orange dit combien les sensations de froid et de chaud pendant les voyages ne sont pas opposées (comme le suggèrent le bleu et le rouge), mais plutôt combien ces sensations relèvent toutes deux de l’inconfort, voire du malaise physique. Pour le sentiment d’injustice, aucune couleur n’a pu être retenue ; un des participants a proposé de dessiner le signe de la justice avec une balance dont les deux plateaux ne se trouvaient pas au même niveau. La figuration du sentiment d’injustice mis à part, la forme géométrique des symboles ne correspond pas à une logique singulière ; le choix des couleurs a prédominé sur le choix des formes.
À partir de la légende décidée collectivement, chaque participant-e a ensuite dessiné une ou plusieurs cartes individuelles d’itinéraire (figure 1b). Les représentations associent des modes de projection zénithale et frontale ; les échelles varient ; l’orientation choisie n’est pas nécessairement vers le Nord ; les trajectoires prennent des formes linéaires, circulaires. Au fur et à mesure des séances d’atelier, les participant-e-s ont produit plusieurs cartes, chacune avec des factures différentes.
À ce premier langage symbolique, matérialisé par des gommettes et utilisé pour dessiner des cartes individuelles sur papier, se sont ajoutés ensuite d’autres formes plastiques, proposées par les participant-e-s. Gladeema Nasruddin a utilisé de l’argile pour modeler une carte en relief jalonnée de petits pics en bois plantés dans l’argile et étiquetés indiquant la mémoire des ressentis du voyage avec les couleurs du langage commun (figure 2). Il a expliqué qu’il remobilisait une pratique qu’il avait enfant au Soudan : modeler des figurines dans le sable (Mekdjian et al., 2014 ; Mekdjian, Amilhat Szary, 2015).
Laëtitia Abbas, professeure de couture en Kabylie, a proposé de broder sa carte avec des fils de coton. Les matériaux introduits par les uns ont parfois été refusés par les autres. Par exemple, le tissu blanc proposé pour dessiner et broder rappelait le linceul des camarades mort-e-s pendant les voyages. Chargé de sens, le matériau lui-même est support d’élicitation narrative de souvenirs, traumatiques parfois.
Le recours au tissu, à la broderie et à la couture est un point commun des langages plastiques cartographiques mobilisés au sein des ateliers organisés par Sarah Mekdjian et Élise Olmedo. Avant le recours au langage textile, Élise Olmedo a aussi suivi une étape discursive. En 2009-2010, lors d’un premier séjour à Marrakech, des entretiens semi-directifs ont été menés avec une dizaine d’habitantes de Sidi Yusf sur leurs activités domestiques liées au travail informel et leurs activités sociales. Il s’agissait de saisir la micro-géographie du quotidien de ces habitantes. D’importantes séquences d’observation participante des gestes et des habitudes des femmes dans l’espace domestique se sont progressivement mises en place, laissant la possibilité de longues discussions informelles, proches des situations en train d’être vécues. Alors que les femmes enquêtées travaillaient le tissu, chez elles et dans une association professionnelle de couture, l’idée d’élaborer une « carte textile et sensible » est apparue quelques temps avant la fin du premier séjour au Maroc, dans la perspective notamment d’inclure les enquêtées dans le traitement et la diffusion des résultats d’enquête.
Réalisée en France, au retour du premier séjour marocain, cette carte (figure 3), (Olmedo 2010a et b) a contribué à diffuser les résultats de recherche auprès des personnes enquêtées, lors d’un second séjour à Marrakech en 2014. La carte textile présente les savoirs spatiaux exprimés avec les femmes et notamment Naïma S., l’une des enquêtées principales. Deux zones géographiques sont distinguées : le pôle domestique, figuré plastiquement grâce à un tissu bon marché acheté et utilisé par les habitant-e-s de Sidi Yusf pour les habits traditionnels (Djellabah), et le pôle travail, matérialisé par un tissu de fête, coloré, fleuri et beaucoup plus onéreux. Entre ces deux pôles, les femmes circulent en fonction des heures de la journée et de leurs activités. Ces configurations changeantes sont représentées par la disposition des tissus ainsi que de petits modules textiles mobiles.
En 2014, la carte a été présentée aux femmes enquêtées, dont Naïma S. Les éléments spatiaux représentés et leur symbolisation ont été discutés collectivement. Quatre ans après la première carte, il est apparu plusieurs changements dans la vie quotidienne de Naïma S. (déménagement, nouvelle structuration du logement, évolution de la situation familiale). Les discussions ont donné lieu à l’élaboration d’une nouvelle carte textile, qui reprend en partie le dispositif précédent, approfondi notamment grâce aux savoir-faire des femmes enquêtées en couture traditionnelle marocaine et à la médiation d’Hanane Hafid, la traductrice, qui a participé à l’ensemble du processus. La carte (figure 4) montre explicitement la continuité des cheminements dans la ville des femmes participantes qui évoque la dimension continue des activités quotidiennes ; les modules de tissus fabriqués ont été cousus au fur et à mesure des échanges. La première version de la seconde carte a été réalisée par Naïma S., puis a été montrée aux autres femmes pour susciter des échanges collectifs sur la représentation des lieux du quotidien. Les lieux importants ont été à nouveau représentés (l’ancienne et la nouvelle maison, le souk, Jemaâ El-Fna, etc.), avec l’ajout de certains détails rendus plus explicites, figurés selon des modes expressifs beaucoup plus personnels. La figuration de la maison qui oriente la carte vers le Sud a par exemple bénéficié d’une attention toute particulière pour représenter les différentes zones domestiques et les relier par un liseré de broderie. Naïma S. y a enfin inséré un détail floral pour signaler « sa pièce », la cuisine, un lieu personnel qui est aussi celui du travail domestique et un lieu-refuge pour fuir des violences conjugales.
Des gestes cartographiques créatifs
Les gestes mobilisés ont instruit des savoirs incorporés, des savoir-faire, des rapports particuliers à l’espace. Dans le cadre de la réalisation de la carte textile en 2014 à Sidi Yusf, les gestes des femmes avec le tissu ont permis de susciter des discussions et des analyses sur les savoirs vernaculaires (Collignon, 2005) et leurs modes de transmission. Dans la couture traditionnelle marocaine, il existe tout un registre de significations pour les gestes réalisés avec le tissu. Au-delà des techniques, ces gestes incorporent des statuts et significations sociales.
Le choix des matériaux par les participant-e-s a fait évoluer les cartes vers des objets intimes et personnels. À Grenoble, Laëtitia Abbas trace un itinéraire, de l’Algérie à la France, sur un grand drap blanc qu’elle a brodé avec des fils de coton (figure 5). Pour préparer ce travail, Laëtitia Abbas a demandé plusieurs fois à Sarah Mekdjian de l’accompagner au marché, pour choisir les tissus rappelant ceux vendus en Kabylie. Ces moments donnent lieu à des choix de matières, de couleurs… qui sont tous l’objet de discussions. Laëtitia Abbas fait ici l’expérience d’un autre statut social que celui lié à sa situation de « migrante », un statut où elle peut exercer sa créativité et ses compétences professionnelles.
Les gestes de couture et de broderie (figure 6) ont été partagés : les chercheuses ont été en position d’apprenantes auprès des participant-e-s. Expérimenter ces pratiques de cartographie ensemble (Bingley, 2012; Crampton 2009) déplace la question du recueil de récits de vie individuels vers une co-production collective de savoirs et de savoir-faire.
Des cartes narratives et sensibles
Du point de vue de leur forme et de leur contenu, nous proposons de qualifier les objets produits de « cartographies narratives et sensibles ». La notion de « cartographie narrative » est de plus en plus mobilisée en géographie (Caquard, 2013), comme le prouvent les différentes approches présentées dans ce dossier thématique de la revue M@ppemonde. Les cartes narratives dont il est question ici ne servent pas à représenter et analyser des récits pré-existants (Kwan, 2008). Le geste cartographique intervient en support et accompagnement du processus narratif lui-même. Récits de cheminements dans la ville de Marrakech, récits de voyages migratoires entre l’Afrique et l’Europe, les cartes produites sont des cartes d’itinéraires spatio-temporels, construites à partir de séquences qui se matérialisent par un sens de lecture. Mais cet ordre narratif n’est pas exclusif. Les cartes narratives reposent sur une lecture tant séquentielle que spatialisée.
Les dispositifs cartographiques mis en œuvre sont aussi narratifs dans leurs modes de diffusion et de réception. Les cartes créées à Grenoble ont été exposées à plusieurs reprises, auprès d’un public très divers7, avec la présence d’au moins un-e des auteur-e-s des cartes. Face au public, les participant-e-s présent-e-s ont littéralement « raconté » leurs cartes et les itinéraires figurés (figure 7). Ces médiations sont à la fois narratives et gestuelles, car elles génèrent des récits reconfigurés dans la perspective d’un nouveau partage, avec des publics cette fois, en s’appuyant sur la situation créée autour du support cartographique (Del Casino, Hanna, 2006).
Relationnelles, plus-que-représentationnelles, les cartes narratives créées sont aussi sensibles. En mobilisant des gestes cartographiques multiples, le sensible a été placé au cœur des pratiques de réalisation et de réception des cartes. Les gestes ont permis d’exprimer dans le contenu même des cartes des expériences géographiques, vécues individuellement et collectivement.
Les cartes sont pensées pour figurer des éléments vécus, mais aussi susciter de nouvelles expériences, notamment depuis les sollicitations sensorielles que tout objet matériel permet d’éprouver. Les matériaux utilisés créent des situations sensibles et des perceptions sensorielles diversifiées. Ce sont à partir de manipulations et d’expériences sensibles spécifiques (figure 8) – déplier la carte, suivre les fils, ouvrir des boutonnières – que s’élaborent des explications orales et ainsi la possibilité d’une compréhension des situations sociales et politiques présentées8. Les cartographies créées s’appréhendent aussi à partir de leur forme, de leur contenu et de leurs modes de diffusion. La dimension affective symbolisée dans les cartes réalisées à Grenoble « sensibilisent » un public large aux conditions migratoires contemporaines. Les cartes textiles ne peuvent être « lues » qu’à partir du toucher et d’un code de lecture lié à la connaissance du contexte marocain, qui nous rappellent la nécessité de langages pluriels pour rendre compte des situations sociales.
En définitive, les cartographies narratives et sensibles sont des démarches d’expérimentation, des « manières de faire » (Goodman, 2006), créées en lien avec les situations de recherche engagées. En refusant de reconduire des entretiens narratifs individuels classiques, nous avons essayé de ne pas reproduire le cadre formel des interrogatoires administratifs pour les réfugié-e-s et l’exclusion d’habitantes analphabètes au moment de la retranscription écrite des entretiens. Mais ces cartes ne sont pas celles de « migrant-e-s » ou de « femmes ». Ces approches sensibles, si elles ont ici été élaborées avec des personnes prises dans des situations sociales spécifiques, ne leur sont pas réservées. Cette cartographie anthropologique cherche à déconstruire la tendance à l’objectification des « enquêté-e-s », réduit-e-s à des objets de recherche, en sollicitant leur participation active dans l’élaboration des dispositifs de recherche jusqu’aux modes de diffusion des résultats.
Les cartes sont ici pensées et pratiquées comme outils d’expression, de visualisation et de diffusion de savoirs géographiques, co-construits avec les participant-e-s, partie prenante de la méthodologie expérimentée. Parce qu’elles déplacent nos codes habituels de représentation et de lecture, ces cartes sont en partie énigmatiques. N’étant pas tout à fait autonomes et auto-référencées, elles demandent à être expliquées. Leur diffusion et leur réception sont autant de moments d’échanges et de continuation du processus de recherche, en écho au processus d’élaboration. En nous rappelant qu’en amont des cartes se situent des gestes, des situations vécues et des tentatives expressives, elles déplacent l’attention vers leur fabrication.
Ces expérimentations méthodologiques s’ajoutent, nous l’espérons, aux travaux de recherche, mais aussi aux nombreuses pratiques en cours hors des milieux académiques, qui font de la carte et de la cartographie des outils de réflexions et d’actions alternatives et critiques.
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Notes
1. | ⇧ | Nous appelons « cartographies sensibles et narratives » les expérimentations méthodologiques de recherche-création mises en œuvre à Grenoble et à Marrakech. Croisant des protocoles artistiques et scientifiques, elles sont narratives car elles s’appuient sur un processus narratif d’expériences géographiques intégré au dispositif spatial qu’est la carte. Ces cartographies sont aussi sensibles en ce qu’elles sont le vecteur d’expressions cognitives et affectives du vécu. Au-delà des données géographiques figurées, la cartographie est aussi pensée en tant qu’expérience sensible, dans la mesure où sa lecture implique non seulement le sens visuel mais aussi, dans le cas de plusieurs cartes présentées ici, le toucher. |
2. | ⇧ | Il s’agit du programme de recherche européen EUBorderscapes (FP7). Notre travail est financé dans le cadre de ce programme. |
3. | ⇧ | Le droit d’asile, en France et dans les pays de l’Union européenne, est garanti dans le respect des règles de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du Protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité instituant la Communauté européenne. Pour lire la Convention et le Protocole, voir : http://www.unhcr.fr/4b14f4a62.html. |
4. | ⇧ | Dans le cas français, depuis les années 1970, l’administration accorde de moins en moins le statut de réfugié : les taux d’admission sont ainsi passés de « neuf à un sur dix [à l’OFPRA] en trois décennies… du milieu des années 1970 au début des années 2000… tandis que le taux d’annulation par la CNDA, autrement dit de décisions favorables allant à l’encontre du jugement initial, a baissé d’un sur deux à un sur dix au cours de la même période » (Fassin et Kobelinsky, 2012, p. 658-659). |
5. | ⇧ | Un douar est un quartier d’habitat spontané et non réglementé. |
6. | ⇧ | Cette expérimentation ayant eu lieu à la fin du séjour sur le terrain, la première carte-textile créée n’a pas été fabriquée avec les enquêtées, ni présentée à ce moment. La carte a été élaborée en 2010 en France, puis a été présentée aux enquêtées en 2014 lors d’un second séjour, qui a permis de retravailler la carte et de poursuivre le travail entamé. |
7. | ⇧ | Sept expositions ont été montrées à ce jour (en juin 2015), dans des centres sociaux, en passant par des universités et des musées, en France et en Suisse. Une exposition à venir se tiendra de février à mai 2016 au Centre d’histoire de la résistance et de la déportation à Lyon. |
8. | ⇧ | Un film documentaire réalisé en 2010 par Élise Olmedo présente notamment la carte textile dans ce qui fait sa spécificité en montrant à la fois sa dimension plastique et matérielle et les manipulations qu’elle requiert ainsi que les savoirs spatiaux co-élaborés avec les femmes enquêtées (Olmedo, 2010b). |