Deux fois mieux que la « Longue Marche » de Mao, la « Colonne Prestes »

- février 2018


Nous nous souvenons encore, grâce à l’Anabase de Xénophon, d’une marche de 2 600 kilomètres de la Mésopotamie à la mer Noire, bien qu’elle ait eu lieu au IVsiècle avant notre ère. La mémoire de la retraite de Russie, en 1812, est encore présente dans nos esprits, mille kilomètres de souffrances dans l’hiver russe. Et qui ne connaît la « Longue Marche », de Mao Zedong, qui a conduit l’Armée rouge sur 12 000 kilomètres du Jiangxi au Shaanxi ?

Pourquoi, alors, parle-t-on si peu de la Colonne Prestes, qui parcourut de 1925 à 1927 plus de 25 000 kilomètres à travers le Brésil, plus du double de la Longue Marche, près de dix fois l’Anabase et 25 fois la retraite de Russie ? Parce que son principal inspirateur est devenu secrétaire général du Parti communiste, tout comme Mao Zedong ? Il est certain que cela l’a desservi aux yeux des autorités brésiliennes, notamment sous la dictature militaire (1964-1985). Parce qu’il a été vaincu ? Les Dix Mille et Napoléon l’ont été aussi, et ce dernier a causé bien plus de morts. Probablement parce que cette marche a connu moins d’épisodes dramatiques que les trois autres, et n’a pas été aussi bien contée que par Xénophon ou les mémorialistes de l’Empereur et du Grand Timonier.

Rappelons d’abord les traits principaux des autres marches, pour mieux comprendre ce que la Colonne Prestes a de différent. On pourra alors la situer dans son contexte, en suivre le parcours, analyser les causes de son relatif échec et de sa faible postérité, pour finir par tenter de mesurer – par des comparaisons – ce que représente cette marche de 25 000 kilomètres.

D’autres longues marches

Les « Dix Mille » marcheurs de l’Anabase (qui étaient en fait un peu plus de 13 000) étaient des mercenaires grecs engagés par Cyrus le Jeune, le second fils de Darius II, qui voulait ravir le trône à son frère aîné Artaxerxès. II fut battu et tué à la bataille de Counaxa, en Mésopotamie, à une centaine de kilomètres de Babylone.

Bien que vainqueurs des troupes qui leur avaient été opposées, les Dix Mille durent s’échapper et réussirent à rejoindre l’Arménie via les sources du Tigre et de l’Euphrate. La traversée des montagnes arméniennes, en hiver, et de provinces hostiles fut rude, marquée par des combats incessants avec les tribus locales jusqu’à l’arrivée à Trapézonte (actuelle Trabzon) au bord du Pont-Euxin (l’actuelle mer Noire). Cette épopée nous est connue par l’Anabase, le récit de Xénophon, le commandant de l’arrière-garde de l’armée des mercenaires grecs, où il relate le célèbre cri « Thalassa ! Thalassa ! » (« La mer ! La mer ! »), poussé par les Grecs apercevant le Pont-Euxin, à la sortie des montagnes.

La retraite de Russie désigne le repli de l’armée napoléonienne depuis Moscou jusqu’en France, en 1812, qui vit mourir la quasi-totalité de l’armée impériale. En donnant l’ordre de repli, le 18 octobre 1812, Napoléon espérait regrouper ses troupes, puis marcher sur Smolensk où il attendrait la fin de l’hiver pour relancer l’offensive. Le 8novembre, à Smolensk, il ne restait guère plus de 40 000 hommes en état de porter des armes sur les 100 000 partis de Moscou quinze jours plus tôt. Mais ce n’était que le début d’une longue et terrible retraite qui ne s’achèvera que le l4 décembre, au bout de deux mois et de plus de mille kilomètres de souffrances.

Le froid intense de l’hiver, les maladies (dont le typhus, très meurtrier) et les constantes attaques russes, notamment lors de la traversée de la Berezina, provoquèrent des milliers de morts. Au total, des 600 000 soldats entrés en Russie, moins de 40 000 en repartirent, comme le montre la figure 3, de l’ingénieur Charles Minard, un des premiers chefs d’œuvre de la cartographie statistique, dans un domaine – la cartographie des flux – particulièrement difficile. Elle montre la différence entre les effectifs à l’aller (épaisseur du trait beige) et au retour (trait noir). Bien que la distance parcourue soit plus faible que dans les autres cas, c’est donc surtout la tragédie humaine qui attire encore l’attention sur la retraite de Russie.

Figure 3. Évolution des effectifs de l’armée impériale durant la campagne de Russie. https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/29/Minard.png

Figure 3. Évolution des effectifs de l’armée impériale durant la campagne de Russie. https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/29/Minard.png

La « Longue Marche » est un périple de plus d’un an mené par l’Armée rouge chinoise et une partie de l’appareil du Parti communiste chinois pour échapper à l’Armée nationale révolutionnaire du Kuomintang, durant la Guerre civile chinoise. Commencée le 15 octobre 1934, elle prit fin le 19 octobre 1935, et coûta la vie à entre 90 000 et 100 000 hommes des troupes communistes menées par Mao Zedong : 130 000 hommes avaient percé les lignes du Kuomintang, mais après une marche d’environ 12 000 kilomètres et la traversée de onze provinces, ils ne furent que 20 000 à 30 000 à arriver au terme du périple. Son coût humain a donc été moindre que celui de la retraite de Russie, mais bien plus élevé que ceux de l’Anabase et de la Colonne Prestes.

Le contexte de la Colonne Prestes

La Colonne Prestes rassemblait des militaires opposants au gouvernement d’Artur Bernardes, président de la République au Brésil de 1922 à 1926. Leur « Longue Marche » de 1925-1927 a été l’aboutissement d’un mouvement militaire, appelé tenentismo (de tenente, lieutenants) qui visait à renverser les oligarchies qui dominaient le pays. Son objectif était d’obtenir un ensemble de réformes institutionnelles, telles que le scrutin secret, la défense de l’enseignement public et l’enseignement primaire obligatoire pour toute la population.

Depuis la fin du XIXsiècle, on avait assisté au développement de ces revendications au sein de l’Armée, qui se voyait comme la véritable responsable de l’établissement de la République et de la mise en place d’institutions conformes à ses idéaux positivistes. Ce n’est pourtant pas l’Armée dans son ensemble qui a participé aux rébellions qui ont eu lieu dans les années 20 pour accélérer les réformes. Le mouvement armé a été principalement mené par des lieutenants avec la participation des sergents, caporaux et soldats, tandis que le haut commandement restait fidèle à l’ordre établi.

Le premier soulèvement a eu lieu à Rio de Janeiro, la révolte des « Dix-Huit du Fort », connu aussi comme « Révolte du Fort de Copacabana », le 5 juillet 1922.

Figure 5. La « Révolte du Fort de Copacabana ». http://www.osul.com.br/tag/o-civil-dos-18-do-forte-de-copacabana/

Figure 5. La « Révolte du Fort de Copacabana ». http://www.osul.com.br/tag/o-civil-dos-18-do-forte-de-copacabana/

En 1924, une nouvelle rébellion s’est produite, cette fois à São Paulo. Devant l’avancée des forces légitimistes envoyées pour réprimer leur soulèvement, les rebelles avaient décidé de quitter la capitale de l’État le 28 juillet 1924, amorçant une marche à travers l’État en direction du sud-ouest.

Figure 6. La révolte de 1924 à São Paulo. http://revolucaobrasileirade1924.blogspot.fr/p/coluna-prestes.html

Figure 6. La révolte de 1924 à São Paulo. http://revolucaobrasileirade1924.blogspot.fr/p/coluna-prestes.html

La marche de la Colonne Prestes

Les rebelles de São Paulo, après avoir traversé l’État entier, entrèrent au Paraná. En septembre, ils prirent Guaíra et Foz do Iguaçu (où ils établirent leur quartier général). Mais dès le début de la campagne, certains dirigeants étaient partis pour le Rio Grande do Sul afin de collaborer avec les officiers engagés dans la préparation de la révolte militaire qui ouvrirait, dans cet État, un nouveau front pour lutter contre le gouvernement.

En octobre 1924, le soulèvement y fut finalement déclenché, avec la mutinerie, commandée par le capitaine Luis Carlos Prestes, du 1er Bataillon ferroviaire basé à Santo Ângelo. Dans le même temps, d’autres unités s’étaient soulevées dans des villes voisines, São Luís, São Borja et Uruguaiana. Les forces rebelles du Rio Grande do Sul marchèrent alors vers le nord de l’État, dans le but d’atteindre Foz do Iguaçu et de rejoindre les rebelles de São Paulo. En avril 1925, après avoir traversé l’État du Santa Catarina et une partie du Paraná (livrant avec les troupes loyalistes des combats qui leur firent perdre près de la moitié de leurs hommes), elles arrivèrent à Foz do Iguaçu.

Le 12 avril 1925, la décision fut prise de poursuivre la marche et d’envahir le Mato Grosso. Sous le commandement principal de Prestes (chef d’état-major), fut formé ce qui serait désormais connu comme la « Colonne Prestes », composée de quatre détachements, dirigés par Osvaldo Cordeiro de Farias, João Alberto, Antônio Siqueira Campos e Djalma Dutra.

Figure 7. L’itinéraire de la Colonne Prestes.

Figure 7. L’itinéraire de la Colonne Prestes.

La Colonne traversa donc le Paraná fin avril 1925 et entra en territoire paraguayen pour atteindre le Mato Grosso. Elle parcourut ensuite le Goiás, le Minas Gerais et revint dans le Goiás. Puis elle continua vers le Nordeste et en novembre atteignit le Maranhão. En décembre, elle entra dans le Piauí et livra à Teresina de sérieux combats avec les forces gouvernementales. En janvier 1926, elle traversa le Ceará, arriva dans le Rio Grande do Norte et en février fit irruption dans la Paraíba, rencontrant à Piancó une résistance sérieuse dirigée par le Père Aristides Ferreira da Cruz, le dirigeant politique local. Après d’âpres combats, la ville fut occupée par les rebelles.

Poursuivant sa marche vers le sud, la Colonne traversa alors les États de Pernambuco et de Bahia et se dirigea vers le nord du Minas Gerais. Se heurtant à une forte réaction légaliste et devant se réapprovisionner en munitions, le commandement décida de revenir vers le Nordeste en retraversant l’État de Bahia, le Piauí, atteignit le Goiás et enfin revint au Mato Grosso en octobre 1926. Entre février et mars 1927, après une difficile traversée du Pantanal, une partie de la Colonne dirigée par Siqueira Campos arriva au Paraguay, tandis que le reste entrait en Bolivie.

Au vu des conditions précaires où ils se trouvaient, les révolutionnaires de la Colonne décidèrent de s’exiler. Miguel Costa partit pour Libres, en Argentine, tandis que Prestes et deux cents hommes se dirigèrent vers Gaiba, en Bolivie, où ils travaillèrent un certain temps pour une société britannique, Bolivia Concessions Limited. Le 5 juillet 1927, les exilés inaugurèrent à Gaiba un monument à leurs morts. Au cours de leur marche de près de deux ans, ils avaient parcouru environ 25 000 kilomètres.

Un mouvement révolutionnaire ?

Les pouvoirs publics considéraient certainement la Colonne Prestes comme un danger. À preuve, les troupes qu’ils ont rassemblées pour la combattre, nombreuses et très diverses, montrant la volonté du gouvernement et des coroneis (les grands propriétaires fonciers) d’éliminer ce foyer de la rébellion. L’Armée, les polices des États, les jagunços (hommes de main des grands propriétaires colonels) et même des cangaceiros (« bandits d’honneur » du sertão, la région semi-aride du Nordeste) ont participé à la lutte. Dans les États économiquement puissants, les oligarchies ont constitué des forces policières organisées comme de petites armées ; dans les États économiquement faibles, les propriétaires ont levé de véritables armées privées.

Dans les villes où elle passait, la Colonne Prestes a en effet suscité non seulement l’attention de la population, mais aussi celle des coroneis, qui étaient la cible principale de la critique du mouvement. Se sachant toujours surveillés par les troupes gouvernementales, les rebelles tentaient d’éviter les confrontations directes, par des tactiques de dépistage ou de guérilla si l’affrontement devenait inévitable. Il lui fallait d’autant plus le faire que le nombre de participants a beaucoup fluctué. Certains groupes ont adhéré à la colonne en raison de tel ou tel intérêt spécifique, mais ils s’en sont ensuite retirés. À son apogée, lors du passage à travers le Mato Grosso do Sul, elle comptait environ 1 500 personnes, mais était le plus souvent formée de quelques centaines de personnes, y compris bon nombre de femmes et d’enfants.

Lors de rassemblements dans les villes temporairement occupées et dans ses manifestes, la Colonne dénonçait la situation politique et sociale du pays, la pauvreté de la population et l’exploitation des pauvres par les dirigeants politiques. Elle n’a toutefois pas réussi à attirer efficacement la sympathie de l’opinion publique, bien qu’à quelques reprises des villes ou des groupes d’hommes aient soutenu le mouvement, et même l’aient rejoint. L’idée de départ était que le mouvement croîtrait en nombre et en force tout au long de la marche, mais elle s’est révélée fausse lors du parcours dans le Nordeste. Dans un environnement naturel difficile, bien contrôlé par les grands propriétaires terriens, elle ne trouva pas dans les masses rurales le support espéré et a donc échoué à atteindre son objectif: étendre la révolution à tout le Brésil1.

Des recherches ont été menées sur l’accueil tiède réservé aux révolutionnaires. En 1998, le Centre de recherche et de documentation (CPDOC) de la Fondation Getulio Vargas a ouvert un ensemble de 70 000 lettres, manuscrits et photos de Juarez Távora. Participant à la Révolte Paulista de 1924, celui-ci a participé avec Prestes et Miguel Costa au commandement de la Colonne. Parmi les documents de ce dossier, il y avait des lettres écrites et reçues par ses dirigeants, qui indiquent que le groupe n’a pas été reçu avec enthousiasme partout où il allait. En apprenant l’arrivée des rebelles, les habitants avaient souvent le réflexe de fuir, par crainte des atrocités dénoncées par les adversaires de la Colonne. Dans son livre Coluna Prestes : o avesso da lenda (1994), Éliane Brum rapporte des témoignages en ce sens de survivants du passage de la Colonne Prestes, après avoir refait 70 ans plus tard, les 25 000 kilomètres de sa marche.

Le mouvement dirigé par Prestes a du moins aidé à dénoncer les problèmes créés par la concentration du pouvoir entre les mains des oligarchies de l’Ancienne République. Le mouvement a ainsi contribué à saper les bases, déjà affaiblies, du système oligarchique et à ouvrir la voie à la révolution de 1930. Peu de temps après, lors de la période agitée qui a marqué celle-ci, une partie des lieutenants qui avaient participé à la marche de la Colonne ont rejoint le gouvernement dirigé par Getúlio Vargas.

La marche a également mis en avant la personne de Prestes, qui reçut le surnom de « chevalier de l’espérance » dans la lutte contre les puissances dominantes de la bureaucratie et des élites. Il ne fut pas le principal dirigeant de la Colonne, mais il en était le cerveau, défendant la liberté politique, le scrutin secret et la justice sociale. En 1927, alors que de nombreux combattants étaient restés en exil en Bolivie, il rejoignit l’Argentine, où il prit une orientation politique plus claire en rejoignant le Parti communiste brésilien (PCB). Puis il a séjourné en Russie de 1931 à 1934, avant de revenir au Brésil comme l’un des dirigeants du Parti communiste brésilien (PCB). De ce fait, il devint une des icônes du mouvement communiste dans le monde et le livre que lui consacra Jorge Amado fut traduit en plusieurs langues, dont le français (figure 9).

Figure 9. Le livre de Jorge Amado sur Luís Carlos Prestes et sa traduction française. http://librairie-entropie-paris.blogspot.com.br/2014/02/jorge-amado-le-chevalier-de-lesperance.html

Figure 9. Le livre de Jorge Amado sur Luís Carlos Prestes et sa traduction française. http://librairie-entropie-paris.blogspot.com.br/2014/02/jorge-amado-le-chevalier-de-lesperance.html

Postérité

Une des traces les plus visibles de la Colonne est le mémorial qui lui a été consacré à Palmas, la capitale de l’État du Tocantins, le dernier créé au Brésil, en 1988, par sa séparation du Goiás.

Figure 10. Le Mémorial à la Colonne-Prestes et aux « 18 du Fort » à Palmas. http://secom.to.gov.br/noticia/222692/ et http://www.viajenaviagem.com/2012/09/vnvbrasil-rumo-ao-jalapao-uma-aventura-offline

Figure 10. Le Mémorial à la Colonne-Prestes et aux « 18 du Fort » à Palmas. http://secom.to.gov.br/noticia/222692/ et http://www.viajenaviagem.com/2012/09/vnvbrasil-rumo-ao-jalapao-uma-aventura-offline

Cette construction a été voulue par José Wilson Siqueira Campos, le premier gouverneur de l’État, après avoir été un des plus ardents promoteurs de sa création. Œuvre de l’architecte Oscar Niemeyer, le mémorial a été construit en 2000 (et a ouvert le 5 octobre 2001). Le gouverneur voulait ainsi honorer l’un des leaders de la colonne, Antônio Siqueira Campos, qui a participé au mouvement des lieutenants depuis la Révolte des Dix-Huit du Fort de Copacabana, en juillet 22.

La rampe d’accès à l’entrée et à la sculpture en bronze est de couleur rouge, pour représenter le sang versé pour leur pays, et sa forme de faucille symbolise le communisme. Le mémorial raconte l’histoire de la Colonne Prestes et de ses membres, par des photographies, des documents et des objets personnels. Le monument aux Dix-Huit du Fort est composé de dix-huit sculptures de deux mètres de haut, en l’honneur des héros de l’insurrection.

25 000 kilomètres…

Sans revenir sur son sens et sa postérité politiques, on ne peut qu’être impressionné par l’exploit que représente cette marche de 25 000 kilomètres, dans des régions mal connues, sans vraies routes et ponctuée de combats parfois violents.

Pour s’en faire une idée, on peut se demander ce que ces kilomètres représenteraient au départ de Paris : ils permettraient (figures 11 et 12) d’aller vers l’Est jusqu’à Vladivostok (Russie) ou vers le Sud jusqu’au Cap (Afrique du Sud). Dans les deux cas un peu moins ou un peu plus de 12 000 kilomètres, et autant pour en revenir…

Figure 11. Paris-Vladivostok, 11 916 km. Source : Google Maps.

Figure 11. Paris-Vladivostok, 11 916 km.

Figure 12. Paris-Le Cap, 12 835 km. Source: Google Maps.

Figure 12. Paris-Le Cap, 12 835 km.

Pour rester en Amérique du Sud, une distance égale à celle parcourue par la Colonne Prestes lui aurait permis, en partant comme elle de Santo Ângelo, de faire pratiquement le tour du continent : de Santo Ângelo à Ushuaia (4 102 km), d’Ushuaia à Bogota (9 545 km), de Bogota à Fortaleza, via Manaus (7 678 km) et finalement de Fortaleza à Santo Ângelo (4 160 km), soit un total de 25 485 kilomètres.

Figure 13. Le tour de l’Amérique du Sud en 25 000 km. Source : Google Maps.

Figure 13. Le tour de l’Amérique du Sud en 25 000 km.

On peut être effaré par ces chiffres et pris de doutes, mais si l’on divise la distance parcourue par le nombre de jours écoulés du début à la fin de la marche (814 jours du 12 avril 1925 au 5 juillet 1927), la moyenne parcourue par jour est de 31 kilomètres. C’est curieusement (mais pas si curieusement, si l’on considère que dans les deux cas il s’agissait d’hommes bien entraînés) le même chiffre auquel parvient, pour les marcheurs de l’Anabase, Marcel Gabrielli (1995), dans un article qui fait partie d’un numéro thématique de la revue Pallas « Dans les pas des Dix-Mille » : « Donc, si l’on excepte les jours de retard, l’armée a mis 85 jours pour parcourir 522 parsanges, soit environ 2 600 kilomètres. Donc, une moyenne d’environ six parsanges par jour, c’est-à-dire 30 kilomètres environ par journée de marche ».

Ainsi donc, si l’on ose dire, la boucle est bouclée, de l’Anabase aux marcheurs de la Colonne Prestes, à cela près que ceux-ci, eux, n’ont jamais atteint la mer, ni leur but ultime, rendant leur exploit inutile, et en cela même peut-être plus impressionnant encore.

Bibliographie

Colonne Prestes

A Coluna Prestes, http://www.historianet.com.br/conteudo/default.aspx ?codigo =296

Brum É. (1994). Coluna Prestes : o avesso da lenda. Editora Artes e Ofícios. ISBN 9788585418380

Coluna Prestes, https://pt.wikipedia.org/wiki/Coluna_Prestes

CPDOC-FGV, Coluna Prestes, http://cpdoc.fgv.br/producao/dossies/AEraVargas1/anos20/CrisePolitica/ColunaPrestes

Duarte L. Coluna Prestes, http://www.infoescola.com/historia/coluna-prestes/

Marin R. (1986). « La longue marche de la Colonne Prestes ou l’épopée d’un échec (octobre 1924-février 1927) ». Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, vol. 47, n°1, p. 65-81. En ligne

Prestes A. L. « Brésil. Les 90 ans de la Colonne Prestes ». Interview. En ligne

Policeno de Souza R. (2010). « A Coluna Prestes : uma abordagem necessária ». Revista Historiador, n°3. En ligne

Sousa R. Coluna Prestes, http://mundoeducacao.bol.uol.com.br/historiadobrasil/coluna-prestes.htm

Steinmetz M. (2015). « Retour sur le passé révolutionnaire du Brésil. Entretien avec Fernando Morais ». L’Humanité, 16 avril 2015. En ligne

Autres grandes marches

Gabrielli M. (1995). « Transport et logistique militaire dans l’Anabase ». Pallas. Revue d’études antiques, vol. 43, n°1, p. 109-122. En ligne

Guillermaz J. (2004). Histoire du Parti communiste chinois. Des origines à la conquête du pouvoir (1921-1949). Payot & Rivages.

La Longue marche, Wikipedia

La Campagne de Russie, Napopedia

Retraite de Russie, Wikipedia

Shuyun S. (2006). La Longue Marche. Paris : J.-C. Lattès. ISBN 978-2709627474

Xénophon, Anabase, https://fr.wikipedia.org/wiki/Anabase_(X %C3 %A9nophon)

Notes   [ + ]

1. Cette désillusion fait penser à celle que connut quarante ans plus tard Che Guevara quand il tenta, sans succès, de reproduire en Bolivie les mécanismes qui avaient assuré le triomphe de la révolution cubaine, de la Sierra Maestra à La Havane, une erreur qu’il paya de sa vie en 1967.

    L'auteur.e :

    Hervé Théry

    Directeur de recherche émérite au CNRS. Professor visitante na Universidade de Sao Paulo (USP) Co-directeur de la revue Confins (http://confins.revues.org/) Blog de recherche Braises (http://braises.hypotheses.org/)