Where the Animals Go

- juin 2017


Le duo composé du géographe James Cheschire et du graphiste Oliver Uberti, auteurs en 2014 du remarqué London, The Information Capital (http://theinformationcapital.com/), récidive avec ce bel ouvrage consacré aux déplacements animaux et aux dispositifs techniques permettant de les étudier.

Cet ouvrage autorise au moins trois approches : un beau livre grand public, un catalogue sur les dispositifs techniques actuellement utilisés pour détecter les mouvements animaux, et, enfin, ce que les gros volumes de données font aux connaissances.

Le caractère grand public de l’ouvrage est affirmé dès la couverture où une girafe stylisée de couleur dorée est représentée sur un fond rouge écarlate, la quatrième de couverture étant occupée par une baleine – la prédominance des gros animaux exotiques déjà mise en évidence par Jean Estebanez (20101) à propos des zoos se retrouve ici. Les courts chapitres – 4 à 5 pages par espèce – suivent tous la même trame narrative : les auteurs se mettent en scène, rencontrent telle ou telle personne, décrivent le cadre, surtout s’il est exotique pour un lectorat occidental, donnent des extraits de conversations, etc. Si le procédé peut agacer tant il se répète, cela n’empêche pas les auteurs de délivrer des informations précises sur les dispositifs techniques mis en œuvre ou les nouvelles questions de recherche autorisées par les données recueillies. Ce n’est pas un ouvrage scientifique certes, mais il permet de faire un tour agréable de la question.

En ce qui concerne les dispositifs techniques, il est rappelé leur ancienneté (caméra embarqué sur un pigeon voyageur dès 1907) et leur évolution. Même si les auteurs soulignent qu’en zoologie, l’observation non-invasive reste la méthode de collecte de données de référence (p. 21-22), tous les exemples ou presque (observation de colonies de pingouins via des images satellites, p. 128-131) supposent à l’inverse un marquage – et donc une capture initiale – des animaux observés. Si le stress lié à la capture est rappelé brièvement, les avantages en terme de protection des animaux liés à la meilleure connaissance de leurs trajectoires sont soulignés à plusieurs reprises (délimitation de parc national pour des éléphants en Afrique de l’Ouest, p. 34-43).

L’un des aspects les plus stimulants de l’ouvrage concerne les conséquences en terme de recherche liées au volume des données recueillies. Le lien mécanique fait à plusieurs reprises entre volume des données et données en accès libre n’est certes pas convaincant : nous connaissons toutes et tous des personnes gardant jalousement leurs volumineux jeux de données… Mais il existe semble-t-il en zoologie une tradition de mise à disposition des données, liée en partie à des aspects éthiques et pratiques2, et plusieurs plateformes de mise à disposition des données sont mentionnées (Movebank, etc.).

Et les cartes dans tout ça ? On apprécie tout d’abord la reproduction d’une poignée de cartes anciennes dont la superbe carte sur les migrations des phoques en Alaska (John James Aubudon, 1892). Celles produites par Uberti sont soignées, élégantes, les échelles d’analyse sont variées et quelques réalisations sont superbes, tant au niveau lisibilité qu’au niveau esthétique (voir notamment les cartes relatives aux observations saisonnières d’oiseaux aux États-Unis pages 120-121). Le plus souvent pourtant, il s’agit de cartes à lire, plus jolies qu’efficaces. L’imagination graphique (pas toujours efficace non plus d’ailleurs) de l’ouvrage précédent ne se retrouve pas ici. Et le goût pour le spectaculaire (gros animaux exotiques, accent mis sur la longueur des trajets, le volume des données) lié au public visé lasse sur la longueur. Le feuilleter rapidement en bibliothèque est par contre recommandé.

Références de l’ouvrage

Cheshire J., Uberti O. (2016). Where the Animals Go. Tracking wildlife with technology in 50 maps and graphics. Londres : Penguin Random House, Particular Books, ISBN 978-1846148811

Notes   [ + ]

1. Jean Estebanez. Les zoos comme dispositif spatial : pour une géographie culturelle de l’animalité. 2010. Thèse de doctorat. Paris 7.
2. « If one whale had been tagged, sharing its data reduces the need to tag others for the same purpose », p. 30.

    L'auteur.e :

    Laurent Beauguitte

    UMR IDEES

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