La réintroduction du lynx dans le Palatinat Rhénan et les Vosges du Nord : division de part et d’autre de la frontière franco-allemande ?

- mai 2018



Une réintroduction qui fait débat

Disparu au cours du XIXsiècle, essentiellement en raison du braconnage qu’il subissait, le lynx fut réintroduit dans les années 1980 dans les Vosges qui s’étendent sur l’Alsace et la Lorraine. Cette première tentative fut un échec. L’idée fut à nouveau relancée par les allemands du Pfalz à travers la réalisation d’un projet LIFE (l’instrument financier pour l’environnement) soutenu par l’Union Européenne.

La nature ne s’arrête pas à la frontière et, par conséquent, l’animal la franchira pour se rendre dans les Vosges, côté français. Les entendements sur la réintroduction du lynx diffèrent de part et d’autre de la frontière, plus particulièrement dans le monde de la chasse. En Allemagne, le projet est appuyé par la fédération de chasse du Land. Les chasseurs français restent pessimistes quant à cette réintroduction.

L’objet de cette étude s’interroge donc sur les raisons de ces deux antagonismes et sur les moyens mis en œuvre pour les faire disparaître et « rassurer » les réfractaires français. L’hypothèse émise est la suivante : le lynx, en tant que prédateur, est craint à cause d’un manque de connaissance de l’animal.

Méthodologie de la recherche

Cette étude s’appuie sur la réalisation d’entretiens avec les organismes associés au projet (Fondation Nature et Environnement de Rhénanie-Palatinat, Parc Naturel Régional des Vosges du Nord, etc.), plus particulièrement les chargés de mission travaillant sur le projet, mais aussi des entretiens avec le monde socio-économique des deux côtés de la frontière impactés par cette réintroduction (les présidents d’associations de chasseurs, d’éleveurs). Au total, nous avons réalisé 9 entretiens.

La création d’un parlement du lynx pour dissiper les craintes françaises

Le document publié s’attache tout d’abord à présenter les particularités du lynx (mode de vie, raisons de la disparition) et le projet de réintroduction (20 lâchers de lynx côté allemand sur la période 2016-2020).

Pour comprendre les craintes des chasseurs français, nous avons procédé à une analyse de la pratique de la chasse en France. Les chasseurs utilisent la technique de la chasse-gestion qui consiste à mettre en pratique une chasse de conservation, à aménager la forêt et donc à s’approprier la nature. L’arrivée du lynx est donc considérée par les chasseurs français comme un élément perturbateur de l’usage de « leur » forêt. Ainsi, le lynx est perçu comme un élément artificiel ajouté à la forêt. En Rhénanie-Palatinat, les chasseurs estiment depuis longtemps que les prédateurs ne sont plus des concurrents mais participent au contraire à l’enrichissement de la nature et de la biodiversité.

Cette façon de percevoir le lynx côté français est donc due à une méconnaissance du mode de vie de l’animal. La comparaison des deux premiers documents présentés dans notre étude avec les craintes des chasseurs (document 4) montre clairement ce fait.

Pour éviter cela, un travail de fond est donc réalisé à travers la mise en place du parlement du lynx. L’idée consiste à favoriser le dialogue de part et d’autre de la frontière sur cette réintroduction et de rassurer les chasseurs, éleveurs français. L’objectif est de favoriser la cohabitation homme-lynx. Ce parlement est appuyé par des mesures de communication (campagne d’information, etc.) et par des mesures facilitatrices en matière d’indemnisation. Ces actions cherchent à éviter les problèmes rencontrés depuis la réintroduction d’autres prédateurs en France.

À titre de comparaison, nous avons pris le cas de la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées au cours des années 1990. Le mode de vie de l’ours montre que ce prédateur est pratiquement inoffensif. Malgré tout, il existe une résistance quant à sa présence. Elle se fonde sur le caractère artificiel de l’animal, d’où l’intérêt du parlement du lynx en tant qu’instance novatrice de dialogue.

    L'auteur.e :

    Fabien Gille

    LOTERR Université de Lorraine

Dans la même rubrique...